Les parents de Rébecca me consultent car l’endormissement peut durer très longtemps chaque soir : elle pleure, crie, il faut la bercer longtemps et ses parents aimeraient pouvoir l’apaiser. Ils me confient qu’elle est née grande prématurée à 6 mois de grossesse et qu’elle est restée 2 mois à l’hôpital. Là bas, le sommeil était vraiment bon, et il s’est dégradé peu après l’arrivée à la maison. Je demande si on connaît la raison pour laquelle elle est née si tôt, y a-t-il eu des soucis de santé, un déclenchement ? Ils me répondent que non, tout allait bien et elle s’est mise au monde d’elle-même. Cela dit, elle n’a heureusement pas de séquelle.
Je lui donne alors la parole à travers la Sagesse. Elle nous confie d’emblée qu’elle ressent une exaspération et quelque chose de lourd… Je trouve qu’il y a un lien avec la fratrie de ses parents (son père me dit être fils unique, et sa maman me dit avoir un frère). Elle nous dit également que le fait qu’elle soit une fille est important, qu’elle ressent comme une pression de la part de ses grands-mères, un idéal féminin à atteindre, quelqu’un à qui il faut ressembler. Je pose donc la question aux parents, qui me disent qu’effectivement, les hommes dans la famille ont été plutôt décevants (tous sont partis, avaient des penchants alcooliques…), mais chaque fois que je propose des hypothèses dans ce sens, rien ne colle. Je tourne en rond un bon moment (qui m’a paru trèès long j’avoue), et au moment où je désespérais un peu, la maman s’est écriée : »Oh, je ne sais pas si c’est important, mais en fait j’avais une jumelle. On est née à 6 mois de grossesse, et elle est décédée quelques heures après sa naissance. »
Tout s’éclaire alors de mon côté et j’arrive enfin à recoller les morceaux. Rébecca me dit alors : « Je crois que je dois remplacer la jumelle perdue de maman ». Je comprends aussi pourquoi on nous a parlé d’une pression venant des grands-mères, il s’agit en fait de sa grand-mère maternelle, qui a perdu un bébé à sa naissance, et qui, selon Rébecca, souffre toujours de cette perte.
Elle rajoute qu’elle croit devoir enlever la culpabilité de sa maman d’avoir survécu et pas sa jumelle.
Je sonde alors la maman pour trouver quels comportements elle a mis en place par rapport à cela, et elle me dit avoir toujours eu l’impression qu’elle devait vivre pour deux. Elle rajoute qu’elle est dans le contrôle, dans l’envie de tout faire parfaitement. Nous comprenons alors aussi que Rébecca a peur que sa maman ne puisse pas lui faire de place puisqu’elle vit déjà pour deux. Elle essaie donc de prendre la place de sa soeur, d’un côté par rapport à une certaine pression familiale qu’elle ressent, mais aussi parce qu’elle a l’impression que c’est la seule place possible pour elle. En même temps, cela lui fait peur car si elle devient la soeur de sa mère, elle a donc peur que cette dernière ne s’occupe plus d’elle… Nous accueillons donc les émotions très tortueuses de ce petit bébé qui a déjà tant fait pour remplacer la jumelle de sa maman, puisqu’elle s’est mise au monde à 6 mois de grossesse comme elle, et qu’elle y a survécu.
Nous comprenons le lien avec le fait qu’elle ne veut pas s’endormir le soir : le fait d’être allongé dans un lit fait penser symboliquement à la mort, ce qu’elle doit à tout prix éviter pour ne pas répéter cette histoire.
Elle nous fait la demande d’un arbre généalogique pour lui montrer que chacun a sa place. La maman semble interloquée, elle avait tellement enfoui cette histoire en elle, elle me dit que c’est drôle car elle avait commencé à en faire un… mais elle avait complétement oublié d’y mettre sa jumelle. Rébecca fait donc la demande qu’elle y soit, ainsi qu’elle-même, et qu’on lui montre bien que chacune a sa propre place bien à elle. Ses parents la rassurent en lui disant qu’elle n’a besoin de remplacer personne car cela est totalement impossible et qu’on ne le lui demande pas. Ils rajoutent qu’ils l’aiment, elle, pour qui elle est, quoi qu’elle fasse ou ne fasse pas.
Quelques jours après, sa maman m’a écrit en me disant que Rébecca était devenue plus proche d’elle et que l’endormissement s’était un peu amélioré.